Au fond, dans les moments de
solitude, nombreux en politique, je me rassurais en me disant qu’une
élimination au premier tour n’était pas envisageable, encore moins au second. Que
Jean-Noël avait bien verrouillé
l’affaire. Que sa stratégie était la bonne. Et que si des voix manquaient,
certains élus de droite allaient nous vendre la leur.
Le moment d’après, du
fait de cette ambiance pourrie, je doutais. Comme je doute depuis le début, le tout début.
Depuis le moment où j’ai senti le piège que Jean-Noël refermait sur moi.
Je l’ai reçu dans la commune.
Fort en gueule, avec sa besace pleine de subventions. Je les avais obtenus sans
trop ramper. A l’époque, les caisses se vidaient aussi vite que les échéances
arrivaient, les sénatoriales d’abord, puis les départementales. Les millions
valsaient dans son vaste bureau du 9ème étage. Il ne pouvait rien
nous refuser et chacun faisait ses emplettes. C’était le prix de notre
allégeance, le salaire du déshonneur. Avec les yeux fermés de la Préfecture et
même des articles louangeurs de la presse.
Je ne voulais pas de Force 13. Pourtant
j’ai signé l’appel à un accord
avec la Force du 13. Même Cambadélis n’a rien dit. Alors, je suis allé me fourvoyer
à l’inauguration de son local. J’ai fait la claque devant ses larbins et les
caméras. Au fond, je ne voulais pas de la mort du PS. Pourtant je n’ai rien
fait Je n’ai rien dit me glissant entre les phrases alambiquées de Jean-David Ciot.
Dans le même temps, je n’ai rien
fait pour retenir tous ces militants de conviction qui quittaient le navire. Peu
importe. On en a déjà tellement perdu des sections ! Même à Aix, le PS ne
veut plus rien dire. La-bas ils sont passé de deux sections à une demi ! A
Gignac il était 25 militants, il y en a
plus qu’un ! Le maire PS est passé avec armes et bagages à La Force du 13. De
toute façon, tout le monde s’en fout. Dès fois je me dis qu’ils iraient au FN,
ça ne ferait pas plus de bruit.
De fait, personne n’a rien fait
pour tenter d’imaginer un plan B, sans lui, contre lui, en essayant de trouver
le point commun pour résister. J’ai écouté Mario Martinet et sous discours prémâché.
J’ai été lâche, nous avons été lâches. Avant tout, nous avons pensé à nos
petits avantages quand les circonstances commandaient de préparer l’avenir.
Nous avons joué perso quand seul le collectif pouvait nous permettre de gagner
En politique il faut toujours beaucoup
de lucidité et un peu d’audace pour réussir.
C’est ce qui m’a manqué. Pendant ma campagne, je
n’ai pas affiché de logo. Sur mes bulletins de vote pareil. Et quand à Arles,
dans une réunion fédérale du Parti socialiste on m’a proposé la grosse ficelle du slogan identique « Faire
gagner les Bouches du Rhône », j’ai marché.
Je me suis appuyé sur le bilan. Jean-David
Ciot a même réussi à faire gober aux militants socialistes que le département était
bien géré par un président cinq fois mis en examen. Alors pourquoi ne pas expliquer la même chose aux électeurs ?
En plus, à longueur de pages, la Provence répète la même litanie.
Avec tout ça, je n’ai rien vu
venir. Pourtant, j’aurais mieux fait d’incarner la rupture. C’est ce que les
électeurs attendaient. J’ai fait dans le bleu,
un peu comme l’UMP, avec du jaune pour la couleur locale. J’ai écouté les
autres, ceux qui nous flattent, mais au fond nous prennent pour des sous-merdes.
J’aurais dû me rappeler que
chaque fois que le PS est parti à une élection en cachant ses couleurs, il a
perdu. Mais je n’allais pas mettre Force 13 quand même ! Il fallait bien
que je ruse pour tromper mes électeurs. Suivre la consigne, ne pas crier trop
fort que je roulais pour Jean-Noël, passer entre les gouttes.
Et ne pas leur dire trop fort,
qu’au fond je reste profondément de gauche. Je déteste Nicolas Sarkozy et je ne
pense pas que le Pen soit compatible avec la République…
Ce grand écart m’a tué, il faut
bien le reconnaitre. Quand je vois les scores honorables de tous ceux qui se
sont présentés sous l’étiquette d’un vrai PS, clairement anti Guérini, je me
dis que j’ai fait une belle connerie.
Mais cette histoire de Métropole m’a
pris le chou. Vous savez, ce
grand débat qui nous occupe depuis des mois, auquel plus personne ne comprend
rien. Avec mes collègues maires, on s’est monté le bourrichon. On a laissé le ravi de Mimet s'ériger en porte-parole, c'est dire le niveau.
Je me demande si on n’a pas été
un peu trop loin dans la défense de nos communes. Si notre insistance n’a pas
fini par mettre la puce à l’oreille de nos électeurs. Vu que c’était justement
nos petits intérêts qu’on défendait.
Aux municipales j’avais sauvé ma
peau. Mais j’aurais dû sentir que mes électeurs étaient tout prêt de basculer,
qu’il fallait que je sois clair dans mes choix. Aux sénatoriales je me suis
planté en confondant le vote des grands électeurs avec la vie réelle. Aux
départementales je me suis perdu en oubliant mes convictions.
Pendant les fêtes de Noêl, un ami
m’avait dit "que cette affaire allait mal finir. Que choisir Guérini, c’était
avaler un poison mortel". Il m’avait dit "c’est le baiser du cobra, une insulte à
l’intelligence. Qu’en persistant dans cette voie, on aurait le déshonneur et la
défaite". Je n’ai pas voulu l’entendre. J’avais l’impression de lire la lettre
de Renouveau. Leur côté moraliste, le caractère inexorable de la chute. Tu as
vu ce qu’ils ont mis à Loïc l’autre jour ? Une grande baffe. Juste avant
le scrutin, l’air de rien. Nos quatre vérités, comme ça en deux cents mots.
Maintenant c’est terminé. On va tous
sortir par la petite porte. Le PS renaitra de ses cendres. J’en suis convaincu.
J’ai enfin saisi les messages subtils de notre électorat. Je me tâte maintenant.
Dire tout ce que j’ai vécu. Ou fermer ma gueule. L’air de rien. Faire l’union des lâches. Ou alors parler de
la nécessité du Renouveau. J’hésite.