A l’époque de Defferre, les choses étaient un peu différentes. L’organisation et le contrôle général de la fédération par un seul homme reposaient sur un savant équilibre entre militants de conviction, militants obligés et fausses cartes.
Gaston Defferre qui avait prouvé pendant la résistance son courage « tenait » la fédération avec des rênes courtes et par deux moyens : les militants « obligés » (le plus souvent employés de la mairie de Marseille où d’organismes satellites), et les fausses cartes.
Paradoxalement, c’est en 1981 que le système s’est grippé. Gaston Defferre, appelé à de hautes responsabilités, a progressivement relâché le contrôle étroit qu’il exerçait sur la fédération. Son erreur politique de l’époque a été de considérer que le contrôle du parti socialiste de Marseille suffisait pour contrôler la fédération. Il n’a pas vu la nouvelle génération d’élus qui commençait à pousser dans le reste du département et qu’elle n’était pas en reste pour mettre en oeuvre les mêmes méthodes.
Eclair de conscience (ou de lucidité) politique, Michel Pezet a été le seul, à cette époque, après avoir battu Gaston Defferre, à remettre en cause le système clientéliste élargi à l’ensemble du département. Son erreur a été de croire que la disparition prématurée de Gaston Defferre mettrait fin au système, et permettrait d’ouvrir une nouvelle ère politique.
Le système devenu trop puissant, trop ancré avec trop d’intérêts s’est perpétué. Michel Pezet a été balayé ; le système réduit au seul développement des intérêts de quelques uns, mais sans l’esprit de la Résistance, a repris ses droits.
Pour autant, le système actuel n’est pas celui d’il y a 25 ans. Car ce dernier a d’abord évolué dans la tourmente du financement occulte des partis politiques du début des années 90 marqué par les tombereaux de fausses cartes. Et puis, avec la perte de la Mairie en 1989, le centre du système s’est déplacé au Conseil général.
La logique est cependant restée la même. Le départ de beaucoup de militants de conviction a permis d’éliminer sans dommage le recours aux fausses cartes. Pour garder le contrôle, on a développé les militants obligés, notamment par la création d’emplois au Conseil général, l’attribution de logements sociaux, les subventions à certaines associations…
Désormais, celui qui contrôle le Conseil général contrôle la fédération, et inversement. Il règne ensuite, sans partage, jusqu’à ce qu’il commette des erreurs politiques qui mettent en danger le système lui même (L. Weygand) ou se fasse rattraper par la justice (F. Bernardini).
Jean‐Noël Guérini est aujourd’hui le dernier avatar de ce système, une sorte de point d’orgue à la trilogie d’élus qui a régné avec une main de fer sur la fédération et le Conseil général depuis 20 ans.
Mais ce qui a été ajouté au clientélisme fédéral, est une nouvelle dérive, à la fois claniste et népotique.
25 ans après la mort de Gaston Defferre, nous devons être conscients que ce que nous voulons renverser est l’aboutissement d’un système perverti dont les racines trouvent leur origine dans une pratique politique que nous combattons.
Avoir la connaissance de notre histoire, c’est mesurer l’ampleur de la tâche, savoir que les animateurs actuels de ce système n’en sont que les prolongateurs. C’est pourquoi l’évolution que nous appelons de nos voeux doit permettre de refonder un projet politique et remettre la fédération en état de marche, et non transférer les clés du système à un énième héritier auto‐proclamé.
Avec notre esprit de Résistance, notre culture socialiste et la connaissance de notre Histoire, si nous nous revendiquons l’héritage du Gaston Defferre décolonisateur et mendésiste, courageux et visionnaire, nous laissons de côté les parts d’ombre qui ont été le terreau des dérives actuelles.