Gaston Defferre et la fédération socialiste des Bouches‐du‐Rhône : un droit d’inventaire

Mercredi 1er juin 2011
 
Si l’on veut comprendre pourquoi notre fédération est enferrée dans les tricheries, la corruption politique et sociale, la connaissance de notre histoire est d’un précieux secours. Surtout pour envisager les moyens d’en redonner les clés aux militants !

A l’époque de Defferre, les choses étaient un peu différentes. L’organisation et le contrôle général de la fédération par un seul homme reposaient sur un savant équilibre entre militants de conviction, militants obligés et fausses cartes.

Gaston Defferre qui avait prouvé pendant la résistance son courage « tenait » la fédération avec des rênes courtes et par deux moyens : les militants « obligés » (le plus souvent employés de la mairie de Marseille où d’organismes satellites), et les fausses cartes.
 
A eux seuls, ces deux moyens permettaient de toujours s’assurer que la part des militants de conviction qui n’étaient pas sur la ligne de Gaston Defferre ne pouvait prétendre à devenir majoritaires.

Paradoxalement, c’est en 1981 que le système s’est grippé. Gaston Defferre, appelé à de hautes responsabilités, a progressivement relâché le contrôle étroit qu’il exerçait sur la fédération. Son erreur politique de l’époque a été de considérer que le contrôle du parti socialiste de Marseille suffisait pour contrôler la fédération. Il n’a pas vu la nouvelle génération d’élus qui commençait à pousser dans le reste du département et qu’elle n’était pas en reste pour mettre en oeuvre les mêmes méthodes.

Eclair de conscience (ou de lucidité) politique, Michel Pezet a été le seul, à cette époque, après avoir battu Gaston Defferre, à remettre en cause le système clientéliste élargi à l’ensemble du département. Son erreur a été de croire que la disparition prématurée de Gaston Defferre mettrait fin au système, et permettrait d’ouvrir une nouvelle ère politique.
Le système devenu trop puissant, trop ancré avec trop d’intérêts s’est perpétué. Michel Pezet a été balayé ; le système réduit au seul développement des intérêts de quelques uns, mais sans l’esprit de la Résistance, a repris ses droits.

Pour autant, le système actuel n’est pas celui d’il y a 25 ans. Car ce dernier a d’abord évolué dans la tourmente du financement occulte des partis politiques du début des années 90 marqué par les tombereaux de fausses cartes. Et puis, avec la perte de la Mairie en 1989, le centre du système s’est déplacé au Conseil général.

La logique est cependant restée la même. Le départ de beaucoup de militants de conviction a permis d’éliminer sans dommage le recours aux fausses cartes. Pour garder le contrôle, on a développé les militants obligés, notamment par la création d’emplois au Conseil général, l’attribution de logements sociaux, les subventions à certaines associations…

Désormais, celui qui contrôle le Conseil général contrôle la fédération, et inversement. Il règne ensuite, sans partage, jusqu’à ce qu’il commette des erreurs politiques qui mettent en danger le système lui même (L. Weygand) ou se fasse rattraper par la justice (F. Bernardini).
Jean‐Noël Guérini est aujourd’hui le dernier avatar de ce système, une sorte de point d’orgue à la trilogie d’élus qui a régné avec une main de fer sur la fédération et le Conseil général depuis 20 ans.

Mais ce qui a été ajouté au clientélisme fédéral, est une nouvelle dérive, à la fois claniste et népotique.

25 ans après la mort de Gaston Defferre, nous devons être conscients que ce que nous voulons renverser est l’aboutissement d’un système perverti dont les racines trouvent leur origine dans une pratique politique que nous combattons.

Avoir la connaissance de notre histoire, c’est mesurer l’ampleur de la tâche, savoir que les animateurs actuels de ce système n’en sont que les prolongateurs. C’est pourquoi l’évolution que nous appelons de nos voeux doit permettre de refonder un projet politique et remettre la fédération en état de marche, et non transférer les clés du système à un énième héritier auto‐proclamé.

Avec notre esprit de Résistance, notre culture socialiste et la connaissance de notre Histoire, si nous nous revendiquons l’héritage du Gaston Defferre décolonisateur et mendésiste, courageux et visionnaire, nous laissons de côté les parts d’ombre qui ont été le terreau des dérives actuelles.

Le texte fondateur du 27 mars 2011

La situation actuelle nous impose d’agir



La réalité est cruelle. Les résultats des élections cantonales sont catastrophiques. Notre Parti est déphasé par rapport au reste du pays. Nous perdons des sièges, alors que nous devrions en gagner. Et, pire encore, nous perdons notre âme en laissant un espace politique béant devant la droite et le Front national.



Tous les jours nous découvrons par la Presse qu’un système a été mis en place et que notre territoire cumule :


* des pratiques népotiques ; quand il y a confusion des intérêts privés avec ceux de la collectivité ;


* des pratiques corruptives ; qui caractérisent l’utilisation abusive de biens publics ;


* des pratiques claniques ; quand les soutiens sont régulièrement accordés à certains réseaux d’influence ;


* des pratiques autoritaires ; quand les arbitrages sont rendus sur des intérêts autres que ceux guidés par l’intérêt général ;


* des pratiques clientélistes ; quand les pratiques visent à se constituer des obligés par distorsion de la nécessaire proximité.




Cette rupture du principe d’égalité entre les citoyens tellement loin du "socialisme des comportements" que Léon Blum appelait comme une exigence, constitue un facteur puissant de rejet de nos concitoyens, tout particulièrement les plus défavorisés. Cette crise de valeurs nous rend incapables d’être attractifs pour les batailles futures aussi bien dans le département, que pour la ville de Marseille. Nos idées et nos valeurs socialistes sont confisquées et instrumentalisées.


Pour nous militants socialistes des Bouches du Rhône, toutes ces pratiques déviantes doivent être proscrites et des enseignements de la situation présente, tirés sans mesure dilatoire. Continuer à agir comme si de rien n’était, est une faute politique majeure, que nos concitoyens ne manqueront pas de nous reprocher.



Aussi, nous demandons de façon immédiate :


* de faire appliquer les statuts de notre Parti. Article 16.1 (Les fonctions de Président(e) de Conseil général sont incompatibles avec celles de Premier Secrétaire fédéral.) ; de ce fait, annuler l’élection du dernier trimestre 2010, en se laissant le temps d’organiser une nouvelle élection ;


* avant le rétablissement d’un fonctionnement démocratique exemplaire, suspendre tout vote organisé par notre fédération dont celui convoqué le 29 mars 2011 ; de ce fait, procéder à la désignation de notre candidat à la Présidence du Conseil général telle que prévue par le Code général des collectivités territoriales en proscrivant toute procuration et en accord avec nos partenaires politiques naturels au bénéfice d’un candidat dont le mandat aura été renouvelé lors des scrutins des 20 et 27 mars ;


*rendre impossible à titre provisoire, la tenue d’une responsabilité fédérale (à partir de secrétaire de section) avec celui de salarié d’une collectivité dont nous assurons l’exécutif ; prendre la responsabilité de l’établissement de la liste des adhérents de la fédération ; suspendre le rôle de la fédération dans le processus de désignation des candidats aux prochaines élections.



Etre militant politique, élu ou non, n’est pas un coupe file pour passer devant nos concitoyens que l’on prétend servir. Par une action résolue, notre Parti saura faire preuve de lucidité et porteur d’une nouvelle exemplarité, sans rester les bras croisés face aux évènements.


Notre tâche ne fait que commencer, nous voulons le renouveau du Parti socialiste dans les Bouches du Rhône, il est donc fondamental de se donner des règles qui seront constitutives de la reconstruction de notre fédération.


Nous voulons libérer le Parti et d’abord nous libérer nous-même des habitudes et des formes de dépendances à l’égard de groupes de pressions ou d’élus qui ont bâti autour d’eux, à des fins d’investitures, de véritables « machines » qui n’ont plus rien à voir avec le Parti dans lequel nous sommes librement engagés.



A chaque adhérent(e) libre de notre fédération socialiste de rejoindre le mouvement, d’ouvrir le débat dans sa section, de faire connaître sa volonté de mettre fin aux pratiques déviantes, de faire des propositions dans le respect mutuel pour que la peur change de camp et le renouveau trouve une réalité, au-delà des maux.



Version téléchargeable.


Nos propositions pour sortir de l'impasse