Vu sur le web : réaction au clientélisme exacerbé en Italie


Revue de presse

LE MONDE GEO ET POLITIQUE | Par Philippe Ridet

Beppe Grillo, terreur de l'establishment politique italien

Beppe Grillo

"Rendez-vous au Parlement." C'est désormais par cette phrase que Beppe Grillo conclut ses posts sur son blog (Beppegrillo.it), le plus consulté d'Italie. Présomption ? Pas seulement. Les sondages placent son MoVimento 5 Stelle ("Mouvement 5 étoiles") en deuxième position dans les intentions de votes, après le Parti démocrate (PD, centre gauche), mais devant le Peuple de la liberté, la formation fondée par Silvio Berlusconi. Si ce score se confirme dans les urnes les 24 et 25 février, Beppe Grillo pourrait envoyer une centaine de parlementaires à Montecitorio ou au Palazzo Madama, sièges respectifs de la Chambre des députés et du Sénat.
Depuis 2010, année de la fondation du MoVimento 5 Stelle, qu'il convient d'écrire avec un V majuscule pour "Vafancullo" ("va te faire foutre"), Grillo est devenu la terreur de l'establishment politique italien - de droite comme de gauche -, tétanisé par la violence du discours populiste à son égard, mais fasciné par cette formation partie de rien et autofinancée.
Pour tenter de contrer Beppe Grillo, on l'accuse d'être "antipolitique". Erreur : ce n'est pas la politique qu'il vise mais ceux qui s'en servent, ces professionnels si bien payés. Pour se rassurer, on le compare à Coluche, qui avait retiré sa candidature au seuil de la campagne présidentielle française de 1981. Nouvelle erreur. Lui, il persiste.
L'échec lui était prédit ? Ses candidats prennent la très bourgeoise Parme et trois autres petites villes du nord de l'Italie en 2011. Des centaines de grillini (le nom de ses partisans) sont désormais installés dans les conseils municipaux. On pensait le mouvement incapable de vaincre en Sicile, patrie du clientélisme ? Il est devenu le premier parti de l'île après les élections de novembre 2012.
La recette ? Des mots d'ordre simples, une utilisation à outrance d'Internet, considéré comme le paradis de la démocratie, où "un égale un", et les indéniables talents de tribun du fondateur qui remplit les places publiques. A quoi il faut ajouter le contexte : d'un côté, la réputation de la classe politique italienne, déconsidérée par les scandales ; de l'autre, la cure d'austérité infligée par Mario Monti (baptisé "Rigor Montis" par Beppe Gillo). Mélange détonnant de découragement et sacrifices. Grillo n'a eu qu'à allumer la mèche. Depuis, elle brûle...
Soixante ans, tignasse et barbe plus sel que poivre, verbe haut, la dénonciation facile et volontiers vulgaire, Beppe - né Giuseppe Piero - Grillo n'est pas un inconnu pour les Italiens. Voilà près de quarante ans que ce Génois en colère est apparu dans leur univers. C'est à la télévision qu'il construit son image, vitupérant et éructant dans des émissions de divertissement puis de reportages très populaires. On le tolère parce qu'il fait de l'audience. Mais en 1986, il franchit un pas de trop pour Bettino Craxi, alors président du conseil socialiste, qui n'apprécie pas sa dernière blague sur une délégation italienne alors en visite en Chine : "S'ils sont tous socialistes, alors qui volent-ils ?".
Interdit d'antenne, il fera son entrée en politique dans les théâtres et sur les places des villages où il se produit. Ce comptable de formation sait décortiquer les affaires politico-financières qui rythment la vie politique italienne ; acteur, il sait les mettre à la portée de tous. Avant tout le monde, il saisit le ras-le-bol silencieux d'une partie de ses compatriotes face à la corruption, celui de la jeunesse face à la gérontocratie, celui des femmes face à la misogynie. A l'enfer de la démocratie"confisquée" par la caste, il oppose l'éden de la participation citoyenne.
Une rencontre, au début des années 2000, va lui apporter la clé qui lui permet de passer du succès au triomphe. Une tête de Buster Keaton à cheveux longs et filasses, pâle comme un geek, Gianroberto Casaleggio est propriétaire d'une boîte de communication spécialisée dans Internet. En une soirée, à la fin d'un de ses spectacles, ce passionné des romans de la Table ronde, ce visionnaire qui prévoit pour 2054 la naissance de la "démocratie en ligne" séduit Beppe Grillo.
Il le convainc de créer son propre site pour s'adresser sans médiation à ses fans : le blog de Grillo naîtra en 2004 dans la foulée de cette entrevue. Il sera bientôt classé parmi les vingt les plus fréquentés du monde. Depuis, la société Casaleggio Associati gère le site, les tournées, les interventions publiques et les publications de Beppe Grillo. Une bonne affaire. "Grillo est un mégaphone. Casaleggio, c'est le stratège", écrit Matteo Pucciarelli auteur de L'Armata di Grillo(éditions Alegre, 2012, non traduit).
Ensemble, ils élaborent la "stratégie de la transparence". Si en Italie les "petits arrangements entre amis" sont la règle, ici, tout est à portée de clic : les statuts du mouvement, les inscriptions, les communiqués numérotés du chef, les propositions de référendums, les convocations pour les grandes manifestations comme le "Vafancullo Day" en 2008, et les valeurs non négociables pour un élu. Exemples : un casier judiciaire vierge (pour cette raison, Beppe Grillo, condamné à la prison pour sa responsabilité dans un accident de voiture, ne pourrait pas être élu), un engagement à lutter contre le financement public des partis politique.
C'est sur Internet également que les inscrits du parti ont été appelés à désigner leurs candidats aux élections en décembre 2012. Limite de la transparence ? Il a fallu attendre plusieurs jours pour que les chiffres des votants soient communiqués : à peine 30 000 personnes pour choisir entre mille candidats quand le PD en a réuni près de 1 million pour désigner les siens les 29 et 30 décembre.
Depuis ces primaires 2.0, l'image de Grillo en a pris un coup. Des militants de longue date critiquent ouvertement le chef et son mentor, qualifiés de "gourous d'une secte". Colérique, Grillo répond par l'insulte et les oukases. Les élus du "non parti" sont interdits de télévision, comme s'il craignait qu'ils deviennent plus populaires que lui. "Qu'ils s'en aillent s'ils ne sont pas d'accord !" a tranché Grillo qui, soudain, a fait moins rire.

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Le texte fondateur du 27 mars 2011

La situation actuelle nous impose d’agir



La réalité est cruelle. Les résultats des élections cantonales sont catastrophiques. Notre Parti est déphasé par rapport au reste du pays. Nous perdons des sièges, alors que nous devrions en gagner. Et, pire encore, nous perdons notre âme en laissant un espace politique béant devant la droite et le Front national.



Tous les jours nous découvrons par la Presse qu’un système a été mis en place et que notre territoire cumule :


* des pratiques népotiques ; quand il y a confusion des intérêts privés avec ceux de la collectivité ;


* des pratiques corruptives ; qui caractérisent l’utilisation abusive de biens publics ;


* des pratiques claniques ; quand les soutiens sont régulièrement accordés à certains réseaux d’influence ;


* des pratiques autoritaires ; quand les arbitrages sont rendus sur des intérêts autres que ceux guidés par l’intérêt général ;


* des pratiques clientélistes ; quand les pratiques visent à se constituer des obligés par distorsion de la nécessaire proximité.




Cette rupture du principe d’égalité entre les citoyens tellement loin du "socialisme des comportements" que Léon Blum appelait comme une exigence, constitue un facteur puissant de rejet de nos concitoyens, tout particulièrement les plus défavorisés. Cette crise de valeurs nous rend incapables d’être attractifs pour les batailles futures aussi bien dans le département, que pour la ville de Marseille. Nos idées et nos valeurs socialistes sont confisquées et instrumentalisées.


Pour nous militants socialistes des Bouches du Rhône, toutes ces pratiques déviantes doivent être proscrites et des enseignements de la situation présente, tirés sans mesure dilatoire. Continuer à agir comme si de rien n’était, est une faute politique majeure, que nos concitoyens ne manqueront pas de nous reprocher.



Aussi, nous demandons de façon immédiate :


* de faire appliquer les statuts de notre Parti. Article 16.1 (Les fonctions de Président(e) de Conseil général sont incompatibles avec celles de Premier Secrétaire fédéral.) ; de ce fait, annuler l’élection du dernier trimestre 2010, en se laissant le temps d’organiser une nouvelle élection ;


* avant le rétablissement d’un fonctionnement démocratique exemplaire, suspendre tout vote organisé par notre fédération dont celui convoqué le 29 mars 2011 ; de ce fait, procéder à la désignation de notre candidat à la Présidence du Conseil général telle que prévue par le Code général des collectivités territoriales en proscrivant toute procuration et en accord avec nos partenaires politiques naturels au bénéfice d’un candidat dont le mandat aura été renouvelé lors des scrutins des 20 et 27 mars ;


*rendre impossible à titre provisoire, la tenue d’une responsabilité fédérale (à partir de secrétaire de section) avec celui de salarié d’une collectivité dont nous assurons l’exécutif ; prendre la responsabilité de l’établissement de la liste des adhérents de la fédération ; suspendre le rôle de la fédération dans le processus de désignation des candidats aux prochaines élections.



Etre militant politique, élu ou non, n’est pas un coupe file pour passer devant nos concitoyens que l’on prétend servir. Par une action résolue, notre Parti saura faire preuve de lucidité et porteur d’une nouvelle exemplarité, sans rester les bras croisés face aux évènements.


Notre tâche ne fait que commencer, nous voulons le renouveau du Parti socialiste dans les Bouches du Rhône, il est donc fondamental de se donner des règles qui seront constitutives de la reconstruction de notre fédération.


Nous voulons libérer le Parti et d’abord nous libérer nous-même des habitudes et des formes de dépendances à l’égard de groupes de pressions ou d’élus qui ont bâti autour d’eux, à des fins d’investitures, de véritables « machines » qui n’ont plus rien à voir avec le Parti dans lequel nous sommes librement engagés.



A chaque adhérent(e) libre de notre fédération socialiste de rejoindre le mouvement, d’ouvrir le débat dans sa section, de faire connaître sa volonté de mettre fin aux pratiques déviantes, de faire des propositions dans le respect mutuel pour que la peur change de camp et le renouveau trouve une réalité, au-delà des maux.



Version téléchargeable.


Nos propositions pour sortir de l'impasse